Le/s corps vivant/s- L’avenir, c’est maintenant : l’urgent appel à l’action de l’artivisme! De l’État minier de Minas Gerais au Brésil, aux montagnes du Pays de Galles

Un article écrit par
Tiago Gambogi
27 octobre 2023
6 min

Alors que la planète est en alerte rouge pour sa survie, comment la danse, le théâtre et l’activisme peuvent-ils contribuer à transformer efficacement les relations destructrices que les humains entretiennent avec la nature et les autres êtres vivants ? Comment pouvons-nous rompre de manière créative la routine habituelle de la réalité grâce à l’humour et la transgression afin de créer un lieu de refuge qui résiste aux atrocités imposées par les gouvernements et le capital privé?

En 2011, porté par un fort désir de me connecter à mes racines, j’ai travaillé avec le cinéaste anglais Richard Bleasdale dans une série de courts métrages tournés en Amazonie brésilienne. J’étais à nouveau amoureux du Brésil : ému par la beauté et l’abondance de son environnement naturel, le panache et la chaleur de ses habitant·e·s. J’étais également choqué et horrifié par la destruction de l’Amazonie et le manque de respect envers les tribus autochtones. Comment pouvais-je rentrer au Royaume-Uni et ne rien faire pour aider ma patrie ? Comment pouvais-je changer les choses avec ma pratique contemporaine au profit des gens et de l’environnement naturel au Brésil ? Comment pouvais-je quitter les espaces de théâtre élitistes fermés et me produire en plein air pour demander des comptes aux gouvernements et aux entreprises qui étaient en train de détruire l’environnement ? C’est dans cet esprit que j’ai soumis un projet qui a obtenu une subvention. Le Projeto Trans-Amazônia proposait de parcourir les 4 260 km de la Route transamazonienne, la Transamazônica (BR- 230), exactement 40 ans après son inauguration sous le régime de la dictature brésilienne. Pendant six mois, au cours d’un voyage épique, j’ai parcouru 30 lieux (villes, villages et peuplements autochtones) à travers sept États brésiliens. Mon intention était que « Trans-Amazônia » soulève les questions suivantes :

Quelle relation l’homme/la femme contemporain·e entretient-il/elle avec la nature et les ressources naturelles de l’Amazonie brésilienne ? Dans quel état se trouve le Brésil contemporain 40 ans après la mise en place de ce développement d’infrastructure à grande échelle ? Quel corps physique émerge de l’engagement avec cet environnement et comment réagit-il dans les régions en conflit ? Ces questions m’ont amené à rencontrer des personnes et des groupes avec lesquels j’ai mené des entretiens, animé des ateliers et dans des lieux où j’ai créé des performances in situ à partir des connaissances locales que j’ai acquises.

© Performance au cours du projet Trans-Amazônia - Photo par Ederson Oliveira

Comment je suis devenu artiviste

À Altamira, dans l’état du Pará, j’ai créé une performance intitulée «Bela Morte = Belo Monte» («Belle mort = Belo Monte»), avec le soutien de ma partenaire Maggi Swallow, de 100 pêcheur·euse·s autochtones locaux·ales et du mouvement Xingu Vivo Para Sempre. Cette manifestation s’est déroulée devant les bureaux de Norte Energia - le consortium qui construit le barrage hydroélectrique controversé de Belo Monte (11 200 mégawatts) - qui avait invité les pêcheur·euse·s et les groupes autochtones à la réunion, puis les a empêché·e·s d’y entrer. Cet événement allait changer ma vie à jamais. Bela Morte comprenait les actions et éléments suivants :

  •  une performance de longue durée à travers la ville consistant à traîner un lourd canoë en bois ;
  • un barrage de la rue et d’une partie des escaliers menant aux portes d’entrée avec du ruban adhésif ;
  • une composition instantanée utilisant le mouvement, le texte et les objets - en suivant un script d’actions intégrant des interactions avec l’espace et le public ;
  • l’utilisation de plantes et de bâches en plastique ;
  • du maquillage sur le visage utilisant des éléments de maquillage clownesque combinés à des motifs autochtones;
  • l’utilisation de ballons remplis de « sang » (eau, colorants alimentaires rouges et bleus);
  • des « morts » performatives dans la rue ;
  • un contact direct et une tentative réussie d’entrer dans les bureaux avec des pêcheur·euse·s locaux·ales et des autochtones pour perturber la réunion.

En combinant l’art clownesque et le jeu bouffonesque, je fais preuve d’esprit critique et d’ironie quant à l’impact négatif des barrages hydroélectriques sur la région. Charmant et effrayant ; fragile et puissant. Je confronte le public, expose les données, les défaillances humaines et moi-même. Mon clown ne fait de mal à personne. Je crée des actions directes, mais non violentes, où les choses n’arrivent qu’à moi : les fausses bombes de sang qui explosent, les poissons qui frappent, la boue qui tache, les chutes et les fausses morts.

Bela Morte = Belo Monte - Partie performante du projet Trans-Amazônia concernant le barrage hydroélectrique de Belo Monte à Altamira, au Brésil - photo de Lunaé Parracho

Comment le fait de devenir un artiviste a influencé et influence encore mon travail

Une fois devenu un artiviste, il n’y a eu aucun retour en arrière possible. C’était comme si un interrupteur avait été actionné et cela a eu un impact sur tout mon travail : le travail artistique, la production, les finances, les relations avec les producteur·rice·s et les salles, les tournées. Depuis la réalisation de Trans-Amazônia, je me concentre sur les questions environnementales, et principalement sur celles liées au Brésil, mais aussi à la planète toute entière. Du point de vue du financement, j’ai pu prendre conscience de qui allait soutenir mon travail et si j’allais accepter ce financement ou non. Au Brésil et au Royaume-Uni, de nombreuses entreprises soutenant les arts nuisent clairement à l’environnement. Comment puis-je accepter que des entreprises pratiquant des modèles de comportements et de responsabilité pour lesquels je réclame un changement me soutiennent ? Comment une forme d’art contemporain, qui est avant tout un art de protestation et de contestation de l’establishment, peut-elle procéder à l’écoblanchiment de l’argent qui tue nos forêts et nos rivières ? En octobre 2019, j’ai été arrêté alors que je me produisais dans l’une des principales protestations d’Extinction Rebellion à Londres. J’ai alors été inculpé et j’ai reçu un avertissement. Cette situation m’a causé énormément de stress ainsi qu’à ma famille proche, et a eu des conséquences financières et professionnelles. Qui plus est, j’ai maintenant un avertissement sur mon casier judiciaire (DBS - Disclosure Barring Service). En 2021, le nouveau projet de loi Police, Crime, Sentencing and Courts Bill stipule que les personnes responsables de nuisances peuvent être emprisonnées jusqu’à 10 ans. Comment poursuivre l’artivisme dans une société qui réprime de plus en plus les mouvements sociaux ? En 2022, au Brésil, le journaliste britannique Dom Phillips et l’expert autochtone Bruno Pereira ont été abattus alors qu’ils traversaient l’Amazonie. Le Brésil détient le record du nombre de défenseur·euse·s © Bela Morte = Belo Monte - Partie performante du projet Trans-Amazônia concernant le barrage hydroélectrique de Belo Monte à Altamira, au Brésil - photo de Lunaé Parracho Matière à réflexion : les corps vivants dans les arts du spectacle 12 de l’environnement assassiné·e·s. Comment pouvons-nous mener des pratiques artivistes dans des situations aussi dangereuses ? En raison du confinement et de la peur d’être à nouveau arrêté, j’ai privilégié les performances qui ne constituaient pas des actions directes dans la rue, mais qui comportaient une forme de protection, que ce soit en ligne, en vidéo ou dans le cadre de festivals de théâtre en plein air. Je considère toujours mes travaux d’action directe comme l’une de mes plus grandes forces et je cherche des moyens de faire progresser cet aspect dans le contexte actuel.

Comment cela impacte ma créativité

Être un artiviste me fait me sentir vivant et me rapproche de ma communauté et des valeurs qui me sont chères. Cela me pousse à prendre des risques sur le plan créatif et ces risques sont directement liés aux causes environnementales. La plupart de mes performances sont des pièces solo, mais il est également extrêmement important de travailler avec les communautés touchées par les crimes environnementaux et de collaborer avec d’autres manifestant·e·s.

Nosso Luto, Nossa Luta – un spectacle au sommet d’une montagne devant 1 000 spectateur·rice·s

La tragédie criminelle de Brumadinho, au Brésil, a eu lieu le 25 janvier 2019 lorsqu’un barrage de résidus (un barrage en remblai de terre utilisé pour stocker les sous-produits des opérations minières) a subi une défaillance catastrophique qui a tué 270 personnes. Le barrage appartient à Vale S.A., la même société responsable de la tragédie du barrage de Mariana en 2015. Cet incident a eu un énorme impact sur moi, car il s’est produit dans mon État natal et non loin de Belo Horizonte. J’ai été extrêmement bouleversé et attristé par cet événement. Peu de temps après, j’ai été invité par l’ONG Abrace a Serra da Moeda à créer une performance-protestation le 21 avril 2019 au sommet de la montagne Moeda. Cette manifestation a été organisée par l’ONG qui lutte pour la protection des eaux et des montagnes du Minas Gerais. Ma performance lors de cet événement s’intitulait Nosso Luto Nossa Luta. Contrairement aux années précédentes, où les participant·e·s portaient des vêtements blancs, pour le dimanche de Pâques la couleur choisie était le noir, afin de renforcer le deuil. J’ai senti qu’il était urgent de créer quelque chose de puissant et d’important qui pourrait donner de la visibilité aux communautés touchées, créer un exutoire pour leur mécontentement et des opportunités pour exiger justice et intégrité de la part de la société Vale S.A. J’ai mis en scène cette performance en travaillant avec près de 30 interprètes. À la fin de la présentation, tous·tes les participant·e·s et membres du public ont été invité·e·s à prendre part à la performance, en formant la phrase « notre deuil, notre lutte », le thème de l’événement cette année-là, afin d’être photographié·e·s d’en haut par un drone. Le texte de la performance a été écrit par la dramaturge Letícia Andrade.

Nosso Luto Nossa Luta - performance au sommet de la montagne Moeda concernant l'éco-crime de Brumadinho - Photo par Glenio Campregher

Processus créatifs

Les processus créatifs répondent aux besoins de ce que l’œuvre cherche à accomplir : sensibiliser le public aux crimes environnementaux, aider les communautés concernées à satisfaire leurs besoins avec les entreprises impliquées, générer du matériel visuel pour la presse et les plateformes de réseaux sociaux. Dans un premier temps, je lis et étudie les sujets en question, puis, si possible, je visite les sites qui ont été touchés. D’autres recherches initiales incluent: journal intime, photos et vidéos, écriture en flux de conscience. Je passe ensuite à une deuxième phase, dans un espace de danse/théâtre et aussi en plein air. Je trouve plus productif de travailler avec une combinaison d’espaces : des studios intérieurs et des lieux extérieurs. Chaque pièce présente des besoins différents. Le travail de performance-protestation dans les rues est plus intuitif et je travaille ici avec un ensemble de scripts et d’improvisations. D’autres pièces, comme le solo pour la scène de «Trans-Amazônia», ont nécessité beaucoup plus de temps : 6 mois de répétitions. Nosso Luto Nossa Luta était une collaboration avec la dramaturge Letícia Andrade et un groupe de 30 interprètes. J’ai également créé des performances photo et vidéo dans des lieux spécifiques. Pour BentO, j’ai travaillé avec le photographe Lucas Brito sur le site où a eu lieu le crime environ- nemental de Mariana.

Vale Kills - un exemple de performance-protestation par action directe

Le 5 novembre 2015, la rupture du barrage de retenue de déchets toxique de Samarco (BHP Billiton / Vale S.A.) à Mariana, a provoqué l’un des plus grands crimes environnementaux de l’histoire du Brésil. Les déchets toxiques ont atteint la mer à 400 kilomètres de là. En réponse à cet incident, j’ai créé Vale Kills, qui a été joué devant l’hôtel Mayfair à Londres où la compagnie minière Vale tenait sa conférence de fin d’année pour célébrer ses réalisations avec ses actionnaires. Un groupe organisé de manifestant·e·s a travaillé avec moi sur cette performance. Je disposais d’une série d’actions scriptées que j’adaptais aux actions du groupe et à l’environnement. Le groupe fonctionnait comme une sorte de chœur de théâtre grec, se mettant en relation avec moi par des chants et des mouvements d’appel et de réponse, et vice versa. À cette occasion, nous avons également dû interagir avec les agent·e·s de sécurité, le directeur et le personnel de l’hôtel et, à la toute fin de notre action, avec la police du bureau du MET. Le personnel de l’hôtel s’est opposé à notre entrée dans l’événement et notre action s’est donc déroulée à l’extérieur. Nous avons bloqué la route, scandé, utilisé un mégaphone pour parler du crime environnemental et éclaboussé l’entrée de boue (à la fin de l’action, nous avons tout nettoyé en un geste symbolique de ce que nous pensions que les entreprises responsables du crime devraient faire). Pendant que le groupe parlait, j’interagissais avec les passant·e·s dans la rue et dans les voitures, avec les agent·e·s de sécurité (j’ai essayé de les « embrasser » après un strip-tease où je me suis déshabillé pour révéler une mini-jupe et un haut avec « Brésil » écrit dessus. Un actif bon marché à vendre). J’ai créé diverses « fausses morts » dans la rue. Je me suis fouetté avec des poissons morts, métaphore de tous les poissons morts à cause des déchets toxiques déversés dans le fleuve Doce et ses affluents. Lors de mes performances, je suis dans un « état clownesque » (un état de curiosité, de jeu et d’ouverture à l’environnement, allant jusqu’à des actions transgressives), je réponds aux réactions des gens et à ce que je vois/ressens/expérimente (mon état psycho-physique et mon incarnation). Je pose des questions au public, je livre des séquences de texte et de mouvement, je m’engage avec les éléments in situ (couché sur la route, appuyé sur les portes, assis sur le trottoir). L’œuvre combine des éléments de théâtre de rue, de danse contemporaine, de théâtre physique et d’art de la performance. Il n’y a pas de « quatrième mur » et le public fait partie de la performance autant comme témoin que comme spect-acteur·rice·s (comme dirait Augusto Boal).

Pays de Galles

En 2021, ma partenaire Maggi Swallow et moi-même avons déménagé pour nous installer dans la magnifique campagne galloise. Nous avons été ravis de recevoir une commande extérieure d’Articulture et du Wales Outdoor Arts Consortium (Consortium des arts de plein air du Pays de Galles). Nous avons créé Afanc, une pièce de théâtre physique en plein air destinée aux familles, qui utilise le mythe gallois bien connu d’Afanc pour aborder les questions liées à la crise écologique, à la quantité de plastique et de pollution dans nos rivières et nos mers, et au déclin catastrophique de la faune et de notre nature. La pièce a été présentée en extérieur au Pays de Galles et a été bien accueillie par le public, qui l’a trouvée à la fois divertissante et stimulante. La pièce constituait un accueil artistique sur la scène artistique galloise et était également une manière de participer à une action en tant qu’artivistes de façon plus sûre que les performances-protestations. Pendant le confinement, nous avons mis en place un projet en ligne financé par le Arts Council of Wales (Conseil des Arts du Pays de Galles) pour les indépendant·e·s du spectacle vivant, intitulé «Cylch Sir / Shire Circle». Rencontrer et écouter les indépendant·e·s partager leurs préoccupations et leurs idées a été un grand privilège. Le projet nous a permis de rencontrer des organisations clés telles que Articulture, Theatrau Sir Gar, National Dance Company Wales, National Theatre Wales, Fusion Carmarthenshire, Arts Care, Groundwork Collective, Cultural Freelancers Wales, Wales Dance network, WAHWN, Organised Kaos et nous a permis d’avoir une bonne compréhension initiale du secteur artistique gallois. Matière à réflexion : les corps vivants dans les arts du spectacle 14 En avril 2022, j’ai créé de courtes vidéos tournées en plein air dans l’une des forêts situées à côté de chez moi. Ces performances vidéo ont été pensées pour soutenir la lutte au Brésil en faveur de la protection des eaux souterraines contre la pollution des compagnies minières. Cette action était organisée par l’ONG Abrace a Serra da Moeda, la même qui m’avait invité à réaliser la performance en 2019. Cependant, en 2022, cette manifestation n’a pas pu avoir lieu en personne en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid. J’ai créé les performances vidéo suivantes : 1. une pièce sur la durée pour laquelle j’ai utilisé un long morceau de tissu noir pour frapper l’eau ; 2. Une pièce dans laquelle j’interagis avec divers éléments de l’espace : de grands troncs d’arbres, des chemins forestiers et, à la fin, de l’eau très froide. Les pièces ont servi de protestation numérique sur les réseaux sociaux, sur les listes de diffusion Whatsapp et dans la presse au Brésil.

 

© BentO - a siren for responsibility. Performance par Tiago Gambogi in Mariana, Brazil. Photo par Lucas Brito

L’industrie des arts du spectacle et la crise environnementale

La façon dont l’industrie des arts du spectacle aborde la crise environnementale et le changement climatique me laisse perplexe pour les raisons suivantes :

1. La création d’œuvres théâtrales et chorégraphiques remarquables qui traitent de la crise environnementale et qui sont présentées dans des festivals en plein air ainsi que dans des lieux locaux est une bonne chose, mais il en faut bien plus ! Le pouvoir de l’artivisme réside dans sa capacité à s’engager directement dans les problématiques : dans les manifestations, dans les conversations avec les entreprises concernées. Comment l’art peut-il cesser de servir de simples divertissements et contribuer à faire avancer ces questions urgentes ?

2. À plusieurs reprises, j’ai tenté d’engager la discussion avec des collègues du secteur pour créer des pièces de rue, mais j’ai ressenti beaucoup de résistance et de peur. Je sais que ce n’est pas à la portée de tout le monde, mais nous devons nous extraire de la sécurité de notre art et le laisser devenir notre forme d’activisme pour traiter les problèmes et susciter le changement. Il est temps de créer des œuvres qui dépassent les petites sphères du théâtre pour toucher tous les secteurs de la société.

3. Comment les artistes peuvent-ils accepter des financements et des parrainages de la part d’entreprises qui nuisent clairement à l’environnement ? Au Brésil, par exemple, la société minière Vale S.A., responsable des principaux crimes environnementaux de l’histoire, soutient divers projets culturels dans le pays. Comment l’artivisme peut-il créer des œuvres pour défier l’entreprise même qui les sponsorise ? Jusqu’où peut aller cet écoblanchiment ? Comme beaucoup d’autres entreprises, les campagnes de marketing de Vale S.A. les présentent de plus en plus comme un modèle de nouvelles méthodes durables pour protéger l’environnement et « redonner à la communauté », alors qu’elles leur portent régulièrement préjudice.

 

Matériaux et pole dance

Depuis que j’ai voyagé en Amazonie, où j’ai pu constater la quantité de plastique dans les rivières et les forêts, ainsi que la nature ad hoc des maisons et des logements, j’ai commencé à travailler avec des matériaux recyclables de manière totalement improvisée, pour fabriquer des costumes et des accessoires pour mes performances. Ils sont généralement attachés avec de la corde, de la ficelle ou du ruban adhésif et leur fragilité est clairement visible. Le public peut repérer de quelle façon ils ont été fabriqués. Je transforme un arrosoir en chapeau, des tubes jaunes en un vêtement qui oppresse le corps, toujours avec humour et de manière inattendue. J’ai également été impressionné par l’aspect vertical de la forêt et par le grand nombre de poteaux électriques sur l’autoroute Transamazonienne. J’ai découvert la pole dance lors de ma visite au studio d’un ami à Manaus et j’ai pensé que cela constituerait un élément unique à exploiter en raison de l’utilisation de la hauteur verticale, du flux, des éléments acrobatiques et de la capacité à déterritorialiser la pole dance et à intégrer d’autres significations dans sa forme. Je me suis formé à cette technique et l’ai utilisée dans la version scénique de Trans-Amazônia ainsi que sur des poteaux de rue dans diverses performances en extérieur. Elle fait désormais partie de ma boîte à outils d’artiviste.

 

L’engagement en faveur de l’activisme comme outil de travail

Tout comme une fourmi curieuse aux antennes déployées, je suis continuellement à la recherche des problématiques environnementales qui m’entourent et je me rapproche des groupes locaux. Sur le plan créatif, cela m’a conduit à travailler en collaboration, où je suis souvent invité à jouer un rôle de leader. En 2019, j’ai dirigé le groupe Extinction Rebellion à Ramsgate et Margate, dans le Kent, au Royaume-Uni. Le travail consistait en des sessions hebdomadaires, où il était question de collaborer avec des artistes non-professionnel·le·s, et de créer des performances pour des manifestations de rue.

 

Appel à l’action!

Face à l’aggravation des préoccupations et de la crise socio-environnementale à l’échelle mondiale, ainsi qu’à l’aliénation apparente des humains face aux réalités de leurs besoins de survie fondamentaux : la Terre. Pour changer ce scénario, nous pouvons faire une différence en sensibilisant les gens à la crise climatique. Je considère que mon travail d’artiviste consiste à ouvrir la conversation entre les artivistes/activistes actuel·le·s et futur·e·s et les communautés. Il est essentiel de continuer à rechercher de nouvelles stratégies artivistes pour des performances significatives qui incarnent notre relation avec le monde réel plutôt que virtuel, afin de pousser les entreprises à accepter la responsabilité de leurs actions néfastes vis-à-vis de l’environnement.

Références

  •  Aljazeera, (2019), https://www.aljazeera.com/news/2019/10/7/extinction-rebellion-climate-protest-brings-london-to-standstill. Accessed on 18 July 2022.
  • Brito, Lucas (2016), ‘Bent-O: uma sirene por responsabilidade’, Flickr, https://www.flickr.com/photos/pipepie/albums/72157663844933152. Accessed 18 July 2022.
  • Extinction Rebellion (2021), ‘About us’, https://extinctionrebellion.uk/the-truth/about-us. Accessed 18 July 2022.
  •  Rebellion, Extinction Rebellion (2022), Neflix Documentary, Accessed 10 July 2022.
  • Faria Rocha, Carlana (2020), Artivisms and Decolonial Attitude Emergencies : Protest Actions ? The Action ‘Nossoluto, nossa luta’ (‘Our Grief Our Struggle’) by the Memories of an Artivist, Barreiras : Federal University West of Bahia,Humanities Centre, Masters in Human & Social Sciences.
  • Gambogi, Tiago (2013), Trans-Amazônia, www.transamazonia.wordpress.com. Accessed 18 July 2022.
  • Gambogi, Tiago (2015), Vale Kills, YouTube, 9 December, https://youtu.be/IM8MUCMSJxs. Accessed 15 July 2022.
  • Gambogi, Tiago (2016), Alma Lama, YouTube, 14 January, https://youtu.be/56Gb2-UoNLU. Accessed 15 July 2022.
  • Gambogi, Tiago (2018), Making Waves : Amazon's Ashes, YouTube, 20 November, https://www.youtube.com/watch?v=n8zzvAPmuq0. Accessed 17 July 2022.
  • Gambogi, Tiago (2019), Nosso Luto, Nossa Luta, YouTube, 26 April, http://youtu.be/NID51HtPMHY. Accessed 18 July 2022.
  • Gambogi, T & Swallow, Maggi (2021), Afanc, YouTube, 15 Sept, https://www.youtube.com/watch? v=laGfAvDlWPM.Accessed 18 July 2022
  • Gambogi, Tiago (2020), Pé de busca : lírio do deserto, YouTube, 28 August, https://youtu.be/tLCOFwEy8CM. Accessed 15July 2022.
  • Harding, Jeremy (2020), ‘The Arrestables’, London Review of Books, 16 April, https://www.lrb.co.uk/the-paper/v42/n08/jeremy-harding/the-arrestables. Accessed 15 July 2022.
  • Mourão, Rui (2015), ‘Performances artivistas : incorporação duma estética de dissenção numa ética de resistência’,Cadernos de Arte e Antropologia, 4: 2, pp. 53–69, https://journals.openedition.org/cadernosaa/909. Accessed 18 July 2022.
  • The Sun, (2019), https://www.thesun.co.uk/news/10091282/cops-giving-hot-vegan-food-books-to-extinction-rebellion-protesters/ Accessed 18 July 2022

Tiago Gambogi est un Brésilien extraordinaire : danseur, acteur, clown, pole danseur, metteur en scène, artiviste et conférencier. Pendant 28 ans, il a codirigé f.a.b. – The Detonators et a travaillé avec de nombreux artistes au Royaume-Uni et dans le monde entier. Son travail transdisciplinaire crée une nouvelle forme artistique hybride puissante traitant du performatif et du non-performatif à la recherche de nouvelles réponses créatives et d’un dialogue avec les entreprises impliquées dans les crises socio-environnementales.