Organiser un événement artistique dans l'espace public
- Cirque et arts de la rue
Cet ouvrage est édité dans le cadre du Temps des arts de la rue : il est le résultat des réflexions menées par le groupe de travail "L'occupation de l'espace public, l'environnement technique, la sécurité".
Edito
Les arts de la rue ont au fil du temps construit beaucoup et avec force. S’il n’y a pas de fronton qui matérialise la place de ces formes artistiques comme ceux qui ornent nos maisons de spectacles et d’expositions (théâtres, opéras, salles de concerts, musées, galeries...) c’est que le cadre, voirele cadre de scène, est partout sur le territoire urbain où l’occasion s’est présentée de la rencontre entre une œuvre et son public. On se souvient, on s’émerveille, on se raconte des années après l’image d’un spectacle restée dans la mémoire et ressurgie en traversant l’espace de nos villes.
Le tissu urbain doit permettre l’expression de ces propositions artistiques en favorisant leur accueil sur l’espace public. Cet espace n’a pas vocation à se transformer en catalogue d’éléments privatifs de toutes natures, utilitaires, publicitaires, sonores, fonctionnels et, au final, stérilisants. La ville doit accueillir ce qui peut devenir une fête des sens, de l’émotion, de l’esprit et du partage, et donc privilégier ces projets collectifs plutôt que de laisser le champ libre à trop d’intérêts individuels. La transformation éphémère des lieux non bâtis en site de représentation n’est possible qu’en préser- vant la mobilité, la réversibilité des installations pérennes, parfois trop invasives.
Présenter ces formes artistiques sur l’espace public ne permet certes pas de dépasser totalement le caractère discriminant du regard porté sur une œuvre artistique ; cela constitue cependant une tentative bien souvent réussie de modifier la structure sociale du public. Le théâtre de rue n’est pas uniquement populaire par la diversité du public qu’il sait capter, convoquer, mais aussi par les moda- lités de sa mise en œuvre. C’est le fait de mettre à contribution l’ensemble des acteurs de l’espace public qui renforce sa dimension populaire, qui lui permet de s’adresser à tous. Ce travail en commun additionne les forces de tous les intervenants : les artistes, les services des collectivités locales, les techniciens, l’ensemble des services publics qui œuvrent à la réalisation de ces propositions artis- tiques. La médiation avec le territoire passe par cette participation très pragmatique de nombreux intervenants.
Investir l’espace public à travers un acte artistique est souvent vécu comme l’exercice d’une liberté inaliénable. Notre société a cependant développé le besoin de se sentir en sécurité en toute circons- tance. Les événements culturels qui se déroulent sur le territoire urbain comme toute autre activité sont soumis à des règles. Prendre en compte tous les paramètres de sécurité au cœur des créations au lieu d’en faire un objectif distinct, étranger ou une contrainte permet que l’on s’autorise davantage.
Lorsque l’occupation de l’espace public s’est produite, que la représentation a eu lieu, le lendemain la rue apparaît comme une grève dont se seraient retirées les vagues. De ce vide un peu oppressant naît l’attente que la fête recommence, que la rencontre se renouvelle dans d’autres rues, d’autres places avec d’autres foules.
José Rubio