20 HISTOIRES DE CIRCOSTRADA - CÉLÉBRATION DU 20E ANNIVERSAIRE DU RÉSEAU : UN VENT DE FRAÎCHEUR - UN ARTICLE écrit PAR KIKI MUUKKONEN
En septembre 2008, Paris a accueilli la toute première conférence FRESH CIRCUS. Je me souviens que Stéphane Simonin et Yohann Floch, les concepteurs de l’événement, venaient de trouver le nom «FRESH» — et ils en étaient très fiers : « Ce n’est pas du cirque contemporain, c’est un cirque frais, un fresh circus ». L’organisation de la conférence suscitait tout de même une certaine nervosité, car il s’agissait du premier événement officiel vraiment important du réseau. L’ensemble du secteur au niveau international était convié, et des bailleur·euse·s de fonds essentiel·le·s étaient attendu·e·s, comme le ministère de la Culture et la Commission européenne. Nous savions pertinemment qu’il s’agissait d’un moment crucial pour HorsLesMurs et pour le secteur, et que tout devait se dérouler sans accrocs. L’événement se tenait dans l’immense espace de La Villette, au nord de Paris. Le premier jour, nous avons été réparti·e·s dans sept ateliers thématiques différents, où des panels d’intervenant·e·s discutaient de différents enjeux ou aspects du cirque. Au sein de chaque groupe, un·e rapporteur·euse était chargé·e d’écouter les échanges et d’en rendre compte le lendemain, lors de la réunion plénière de clôture. J’étais moi-même rapporteuse pour une session sur les centres d’information et la collecte de données. À cette époque, je travaillais dans le secteur depuis seulement un an. Le cirque, les rencontres internationales, ce type de conférences... tout était nouveau pour moi. Je ressentais une pression supplémentaire, car HorsLesMurs étant lui-même un centre d’information, j’avais le sentiment que j’allais devoir m’adresser à tous·tes les principaux·les bailleur·euse·s de fonds et parties prenantes du centre. Je me suis préparée minutieusement, j’ai lu des enquêtes et des documents de référence. Pendant la séance, j’ai pris des notes très sérieusement. La séance était-elle intéressante ? À vrai dire, je n’en sais rien — j’étais concentrée sur ma tâche. J’ai travaillé toute la nuit sur ma présentation pour la réunion plénière du lendemain, mon anxiété augmentant au fil des heures. Vers 3 heures du matin, j’envisageais sérieusement de sauter du haut de la tour Eiffel plutôt que de faire cette présentation. Je pense que j’ai dormi une heure tout au plus. Mais le lendemain, quand le moment est venu pour moi de m’exprimer, dès les premiers mots, je suis devenue plus calme et je me suis concentrée sur la présentation de mes réflexions. Le public, qui comptait environ 400 personnes, semblait clairement intéressé et attentif, et à ma grande surprise, j’ai même fini par plaisanter un peu avec eux·elles. En fin de compte, la conférence et toutes les présentations ont été menées avec brio. Elles ont signé le début de ce qui allait devenir une série d’événements FRESH, organisés au fil des années suivantes. Je me souviens avoir éprouvé un sentiment très satisfaisant de réussite collective, et avoir ressenti que nous bâtissions l’avenir tous·tes ensemble. Aujourd’hui, je ne voudrais travailler dans aucun autre domaine du spectacle vivant. La façon dont mes collègues s’engagent pour ce secteur, le développent et le font prospérer, s’appuie sur une vision du monde idéaliste et démocratique, sur un véritable intérêt pour le public, et sur le respect des artistes et du processus de création artistique. Il se dégage aussi de ce secteur une certaine passion, une sorte d’énergie de l’outsider ; j’ai presque l’impression de faire partie d’un mouvement. Au fil des ans, j’ai éprouvé une réelle satisfaction à y prendre part, et je pense que, fondamentalement, l’énergie est restée la même — bien que cette forme artistique soit aujourd’hui mieux reconnue, et qu’elle soit très bien intégrée aux infrastructures artistiques et institutionnelles de plusieurs pays. Cela m’encourage à avancer, cela nourrit ma motivation et ma créativité. Je suis heureuse et fière de travailler au développement de ce secteur au niveau international dans le cadre stimulant du réseau Circostrada.
Kiki Muukkonen est directrice artistique du département circassien du centre culturel suédois Subtopia. Elle est responsable de la programmation nationale et internationale, des résidences, des projets de développement artistique, des séminaires et des relations internationales. Elle conseille également des artistes sur leurs projets. Depuis 2009, Kiki produit le festival Subcase et dirige le programme circassien de la salle Hangaren Subtopia. En 2019 elle crée le festival régional CirkusMania, dont la troisième édition aura lieu l’an prochain en février.
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