20 HISTOIRES DE CIRCOSTRADA - CÉLÉBRATION DU 20E ANNIVERSAIRE DU RÉSEAU : Percée dans les Balkans - UN ARTICLE DE Nikola Mijatović

Je me souviens du jour où Circostrada est arrivé pour la première fois dans les Balkans, la région où je vis et travaille. C’était dans le cadre du Festival Novog Cirkusa organisé par Ivan Kralj en 2009. J’avais reçu une invitation pour participer à la réunion et présenter le travail et les activités de Cirkorama, qui était alors une jeune organisation dédiée aux arts du cirque à Zagreb. Je dois admettre qu’à l’époque, je n’avais pas conscience de ce qu’était Circostrada, ni de son rôle à l’égard des différents mouvements circassiens à travers le monde, ainsi que des politiques culturelles liées au cirque et aux arts de la rue. À ce moment-là, je débutais en tant qu’artiste. J’avais l’impression de venir de Mars en me retrouvant au milieu de personnes plus âgées et sérieuses qui parlaient de réseautage, de politique gouvernementale, de cirque en tant qu’art, de financement de projets, de subventions nationales et locales pour les artistes de cirque, d’écoles de cirque… À cet instant, tout ceci me paraissait secondaire et m’était peu familier. Ma réalité était alors celle de Medika : un lieu squatté dans le centre de Zagreb, où certain·e·s d’entre nous avaient construit le premier espace de cirque de la ville. Il s’agissait d’un espace où nous pouvions nous entraîner, créer et faire du cirque, un espace où nous créions des spectacles de rue, organisions d’innombrables ateliers et nous sentions libres de faire tout ce que nous voulions. Lors de la réunion du réseau Circostrada, tout était assez étrange et confus. J’avais le sentiment que nous n’étions pas tous·tes sur la même longueur d’onde. Nous n’avions de toute évidence pas les mêmes problèmes, et ne partagions pas d’histoire commune. C’était comme si les cirques d’Europe de l’Ouest et de l’Est ne se comprenaient pas du tout. Pourtant, je me demandais comment il serait possible pour nous, en tant qu’Européen·ne·s de l’Est passionné·e·s qui mènent leurs propres projets et répondent difficilement aux normes de l’Europe occidentale, d’être accepté·e·s au-delà des frontières de notre région, pour notre travail et notre art. De nombreuses années se sont écoulées avant que je ne participe à une nouvelle réunion avec Circostrada, laquelle s’est aussi tenue à Zagreb en 2016 dans le cadre de la dernière édition du Festival Novog Cirkusa. Il y a été question d’initiatives locales et régionales. Au cours des années qui ont précédé cette discussion, je n’ai pas beaucoup pensé à Circostrada. J’ai simplement essayé de survivre grâce à l’art que je pratique en tant qu’artiste, et je me concentrais principalement sur le collectif CirkoBalkana dont je suis membre. Mais c’est après cette réunion de Circostrada à Zagreb que Cirkusfera, de Serbie, ainsi que ROOM 100 et Cirkorama, de Croatie, ont rejoint le réseau Circostrada et la plateforme circusnext. D’une certaine manière il me semble que depuis ce moment-là, les choses sont devenues beaucoup plus professionnelles pour celleux d’entre nous qui travaillons dans le secteur du cirque contemporain et des arts de la rue et venons de l’est de l’Europe, qui n’est pas si lointain. Diverses possibilités s’offrent aux artistes et aux organisations de nos secteurs. Le flux d’information est plus rapide et plus dense. De nouvelles occasions de coopération se présentent aussi bien à l’échelle régionale qu’européenne. Les institutions dans notre région portent un regard nouveau sur les artistes et les organisations de nos secteurs. En 2023, la réunion générale annuelle du réseau Circostrada s’est tenue pour la troisième fois en Croatie, cette fois au festival Peculiar Families Festival à Split. Il s’agit pour nous, en tant que région, d’un événement extrêmement important pour plusieurs raisons, mais surtout parce que l’équipe que nous avons formée et qui s’est réunie pour organiser l’événement a vraiment opéré de manière irréprochable. Nous avons également prouvé que nous sommes une région qui a des choses à montrer en termes de performance, avec des artistes des Balkans qui ont présenté leurs créations lors du festival. Cette percée dans les Balkans (l’Est) a été un véritable succès et s’est produite au bon moment. Je pense que le temps est venu pour l’Occident de commencer à ouvrir ses portes aux forces émergentes de l’Europe du Sud-Est.