Les Italien·ne·s aiment plaisanter sur les stéréotypes de leur pays, mais ces clichés sont d’autant plus vrais qu’il existe des exceptions. Nous avons imaginé que FRESH STREET#4 en Italie serait la clé de voûte de la FNAS en tant que projet de 20 ans visant à la pleine reconnaissance du secteur des arts de la rue. La venue de 400 opérateur·rice·s internationaux·ales à Turin a été l’occasion de jeter les ponts manquants entre, d’un côté, notre secteur — changeant, audacieux et pionnier – des arts de la rue et, de l’autre côté, le monde plus formel et rigide des institutions nationales et des décideur·euse·s politiques. Lorsque la pandémie est survenue et que nous avons constaté que FRESH devait se dérouler sous forme numérique, nous avons craint que la transformation de cette expérience en un parcours en ligne n’entraîne la perte de l’impact institutionnel. Pire, cela risquait de faire de FRESH une expérience peu mémorable. Participer à un événement FRESH, c’est se plonger dans l’inspiration, ouvrir les yeux sur ce qui se passe dans sa profession, se connecter à des macro- /micro-réseaux, se faire des contacts, voir des propositions artistiques innovantes, faire naître des idées et explorer le territoire d’accueil, ainsi que la mentalité, les visions, les limites, les perspectives et les rêves des personnes qui font du pays d’accueil un endroit si spécial. Tout cela devait être réinventé dans un format numérique. La FNAS est une association d’artistes. Pas de technicien·ne·s. Pas d’organisateur·rice·s.
"Derrière ce projet se cachaient en réalité deux clowns : Giuseppe, notre vidéaste, qui travaillait devant une console faite d’outils chinés au marché aux puces, de claviers auxquels il manquait des touches, de PC aux batteries déchargées et de câbles assemblés avec du ruban adhésif; et Martina, une clown atteinte d’une manie compulsive pour les détails dramaturgiques."
Nous avons dû aborder FRESH en tant qu’artistes, en expérimentant de nouvelles solutions et en repensant l’événement comme s’il s’agissait d’un spectacle. Nous voulions relier des écrans et des salles virtuelles à de véritables lieux physiques et à la ville dans son ensemble, et permettre aux gens de se rencontrer et de se parler. Pour ce faire, nous avions besoin d’un nouveau type de direction artistique pour les écrans, combinant l’invention technique, les différentes plateformes et les changements de perspective visuelle. Aujourd’hui, ces compétences sont un produit du marché, mais à l’époque, elles faisaient encore défaut. Pour surmonter ces obstacles, il nous fallait «l’exception italienne »: le génie du clown. Derrière ce projet se cachaient en réalité deux clowns : Giuseppe, notre vidéaste, qui travaillait devant une console faite d’outils chinés au marché aux puces, de claviers auxquels il manquait des touches, de PC aux batteries déchargées et de câbles assemblés avec du ruban adhésif; et Martina, une clown atteinte d’une manie compulsive pour les détails dramaturgiques, qui mettait tout son talent dans la rédaction de chaque feuille de temps des webinaires. C’est grâce à leur folie que nous avons pu trouver une nouvelle façon d’être connecté·e·s, tout en nous amusant. FRESH STREET#4 n’a peut-être pas relevé tous les défis, mais il a fonctionné. L’événement n’a pas comblé le manque de compréhension institutionnelle, mais a apporté un autre changement peut-être plus important. Les artistes italien·ne·s qui ont participé à FRESH ont gagné en confiance et en capacité en tant que créateur·rice·s confronté·e·s à de nouveaux défis extérieurs et devant prendre de nouveaux risques. Pour la FNAS également, ce rite de passage nous a donné un nouveau souffle et une nouvelle mission. Depuis octobre 2020, la FNAS est entrée dans sa quatrième vie («fraîche ») en remodelant son rôle en matière de promotion, de développement, de facilitation et de soutien de la créativité italienne pour une plus grande connexion avec les mécanismes de la scène contemporaine nationale et internationale. Nous étions donc un peu comme des pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques. Lorsque nous avons commencé à penser à FRESH, nous étions déjà en route vers autre chose. L’héritage de FRESH STREET#4 ne se retrouve donc pas dans l’événement en tant que tel, mais dans le processus. Un processus qui a accéléré le développement des arts de la rue, jeté des ponts entre deux directions (la FNAS étant enfin dirigée par une femme) et changé notre façon de travailler pour amener le secteur italien des arts de la rue vers ce qu’il sera demain.